A l’heure ou j’écris ces lignes, nous sommes début 2023. Nous traversons des années étranges, entre accélération numérique, Covid, guerre en Ukraine, transition énergétique, évolutions de tous types, mondialisation, délocalisation, relocalisation… Bref, autour de nous, tout bouge, tout change, et il s’agit désormais d’un état permanent : la seule chose qui ne change pas, c’est le changement. Pas toujours facile dans ces conditions de trouver une stabilité, surtout lorsque nos vies se sont elles-aussi complexifié.
Là où une ou deux générations plus tôt nous habitions proche d’une famille susceptible de nous aider un jour, nous voilà désormais plus souvent à des centaines de kilomètres de celle-ci, en train de planifier les billets de train pour aller la voir. Là où nos grands-parents appréciaient de rentrer et se reposer après une dure journée de travail en partie physique, nous avons désormais besoin de bouger après une journée passée derrière un bureau. Désormais, nous cherchons à placer dans l’agenda un cours de yoga, une soirée entre amis, la sortie avec le club de running, la réunion mensuelle de jeux de société des voisins, du travail à finir en rouvrant l’ordinateur, un groupe de musique qui se monte entre les parents d’élèves, l’orthophoniste du petit dernier, réussir l’exploit d’une sortie en couple, sans compter un apéritif citadin entre copains !
Il est apparu pour une raison mystérieuse à tous mes amis qu’il serait bien que je parle de la notion d’équilibre vie pro vie perso. Je me suis demandée, et je leur ai demandé, pourquoi spécialement moi ? Car plein d’autres gens se débrouillent bien mieux que moi, avec bien plus de facettes de vie que moi. Je le vois bien : je me suis reconvertie dans l’accompagnement d’objectifs et le coaching relationnel. Des gens en quête d’équilibre viennent tous les jours me voir pour en parler, des spécialistes des vies riches, j’en vois beaucoup ! Mais mes camarades se sont rappelés qu’en dehors de ma clientèle, j’ai encore un pied dans la géologie où j’enseigne ponctuellement. Je suis aussi maman de deux jeunes enfants plutôt dynamiques. Je tâche de rester investie dans l’association des anciens élèves de mon école. Je suis devenue Sapeur Pompier volontaire il y a 9 ans. J’essaye péniblement de préparer une course de vélo (ce n’est pas gagné !), tout en cogérant la création d’un groupe de réseau d’entrepreneurs. J’ai un mari lui aussi entrepreneur, donc également bien occupé. Bref, autant dire que rédiger cet article est un doux mélange d’astuces de coaching pour trouver vos propres solutions, de récits d’expériences diverses d’autres personnes, et surtout de témoignage personnel. Loin de proposer des « y’a qu’à faut faire », ces quelques lignes sont avant tout un bel exercice d’auto-analyse. Puisse-t-il se révéler inspirant !
Vie pro – vie perso : Si seulement il n’y avait que ces deux là !
Demandez à votre entreprise, bien souvent tout ce qui n’est pas « pro » est rangé directement dans la partie « perso » de notre vie. Sauf que nombre d’entre nous ont l’impression de n’avoir aucune vie « perso », alors que leur vie « hors entreprise » est plus que riche, mais riche de gestion du quotidien, de moult corvées ou rendez-vous obligatoires dont ils ressortent plus fatigués que ressourcés, et qui sont pourtant réputées être « du personnel ».
Une première astuce : L’équilibre se construit en ayant en tête tout ce entre quoi nous devons arbitrer. Lors de la première séance avec mes nouveaux clients, j’utilise un outil appelé « La roue de la vie ». Il s’agit simplement de poser une note de satisfaction sur dix à chaque grand ensemble de facettes (un = je ne suis vraiment pas satisfait, dix = c’est parfait, ça ne pourrait être mieux). Voici les grands ensembles qui ressortent pour la plupart de mes clients :
- Mon travail (mes différents travails, si j’en ai plusieurs) ;
- Ma famille de naissance, celle avec qui j’ai grandi ;
- Ma famille que j’ai construite, si j’en ai une (c’est là que toutes les personnes avec qui je vis vont se mettre, y compris mon chat et mon hamster, ainsi que mon regret de ne pas avoir de chien !) ;
- Ma situation amoureuse (même célibataire je peux aussi noter que cela me satisfait ou que cela me pèse) ;
- Ma santé ;
- La gestion du quotidien (courses, ménage, corvées…)
- Mes loisirs ;
- Mon réseau amical, aussi varié soit-il ;
- Mon investissement associatif (là aussi, même absent, cela se note : je suis satisfait de ne pas avoir d’investissement associatif, ou je suis déçu de ne pas/ne plus en avoir) ;
- Mes finances ;
- Ma relation à moi-même (est-ce que je m’apprécie, est-ce que je deviendrai ami.e avec moi-même si je me rencontrais, qu’est-ce que je pense de moi-même ?)
Ces grands ensembles sont tous ceux auxquels vous devez consacrer du temps. Naturellement, ils n’ont pas tous besoin d’autant de temps ! Et tout est propre à chacun. Certains auront besoin de voir leur famille de naissance presque tous les jours, d’autres se satisferons de quelques jours à chaque Noël.
A vous de peaufiner cette liste. Les loisirs, par exemple, sont parfois subdivisés, s’il y a une partie particulièrement surdimensionnée. Certaines séparent le sport, ou alors le rangent dans « ma santé », quelques uns mettrons le jardinage et le bricolage dans le quotidien alors que d’autres les placent dans les loisirs… Bref, les ensembles sont à ajuster selon votre vie. L’important est dans avoir une cartographie claire, car même si l’équilibre parait un peu plus difficile à établir entre tout cela, il est pourtant plus facile à atteindre. C’est en effet lorsqu’on a réussi à se créer une routine avec tous les sujets qu’en ajouter un nouveau ou en supprimer un autre devient particulièrement délicat.
Une vision claire… Et quoi ensuite ?
Maintenant que vous avez une note de tous les items, vous commencez à percevoir les éléments disproportionnés (en trop ou en trop peu). Parfois, tout est satisfaisant sauf un ou deux éléments dont la note est beaucoup plus basse que les autres : vous pouvez alors travailler concrètement sur cet ou ces éléments, leur consacrer plus de temps en faisant de la place sur les autres sujets aux notes élevées. Si j’accompagne un client dans cette situation, je lui propose un coaching orienté solutions. Nous travaillons sur un plan d’action, nous utilisons des outils pour faire ouvrir des portes là où la personne se mettait parfois des barrières. Une note basse signifie toujours que vous devez consacrer plus d’énergie ponctuellement pour rétablir une note plus satisfaisante. Si c’est votre partie « vie pro » qui est décevante parce qu’elle vous prend trop de place par exemple, vous pourriez lui consacrer encore plus d’énergie mais pendant un temps bien limité, afin soit de rattraper votre retard, soit de redresser les difficultés que vous rencontrez dans votre entreprise, ou même de chercher activement un autre travail.
Cela nous amène à ce qu’est l’équilibre pour vous ? Est-il acceptable pour vous d’avoir 2 dans un item et 8 dans l’autre ? Est-il plus acceptable d’avoir 5 et 5 ? Ne serait-il pas plus confortable d’avoir 7 partout ? Equilibrer, cela revient surtout à avoir un sentiment de confort dans tous les sujets. Peut-être le sujet Finances n’est il pas parfait avec un 6 sur 10, mais il me permet d’avoir un travail agréable, et d’avoir le temps de faire tout le reste. Puis-je faire quelque chose pour monter à 7 sur 10 ? Serais-je prêt à descendre mon confort d’un autre ensemble pour prendre la promotion qui me donnerait un 8 sur 10 dans la partie Finances et dans la partie Travail ? Equilibrer devient alors une négociation consciente avec vous-même. Et vous avez le droit d’un jour mettre un 8 à votre travail, et quelques mois plus tard d’avoir fait changer vos priorités, pour toutes raisons vous appartenant.
Lors des notes basses sur la partie « Mon travail » liées à une charge de travail trop importante, j’ai remarqué que mes clients s’aident souvent de deux questions : Est-ce urgent ? Et, Est-ce important ? Cela nous donne quatre grandes catégories : C’est urgent et important : je traite moi-même le plus vite possible. C’est urgent mais peu important : Je délègue. C’est important mais peu urgent : Je traiterai dés que possible une fois que j’aurai traité les urgences. C’est peu important et peu urgent : Je laisse tomber, cela ne manquera à personne et si cela doit devenir important plus tard, je le traiterai en temps voulu. De jour en jour, chaque sujet peut se voir changer de catégorie (le non urgent devient urgent, le très urgent passe soudain au second plan…). L’adaptation est alors importante, sans jugement de valeur (« flute, si je l’avais traité hier je ne serai pas ennuyé aujourd’hui ! », alors qu’en fait, vous ne pouviez pas savoir et avez fait de votre mieux).
Cette technique du tri Urgent/Important est tout à fait transposable dans plein d’autres grands ensembles ! La santé par exemple peut nécessiter un faible temps régulièrement (important peu urgent), et puis s’il arrive un souci la santé doit devenir un élément prépondérant (urgent important) le temps de régler le problème. Parfois, mon couple, ma famille, un objectif associatif ou sportif, prennent beaucoup de place au détriment d’autres sujets : veillez à ce que ce qui prend soudain plus de place ait une dead line identifiée afin que les autres éléments importants pour vous ne soient pas lésés trop longtemps et ne créent ainsi pas un déséquilibre durable. Il est possible que ce qui avant prenait beaucoup de place en ait moins besoin, voir plus besoin du tout. Combien de personnes arrêtent brusquement par exemple un loisir dont ils ont fait le tour, et se sentent alors plus heureux et plus libre de faire autre chose à la place, alors que quelques mois ou années plus tôt ce loisir leur était justement essentiel.
Parfois, toutes les notes de la liste sont moyennes, voir basses ; Il est alors grand temps de consacrer du temps à votre « Relation avec moi-même », en prenant soin de vous, de votre santé et de votre santé mentale, de penser à ce que le développement personnel appel souvent « les 7 piliers de vie ».
Faites un tour d’horizon de vos Valeurs et de votre Intégrité, identifiez et remplissez vos grands Besoins psychologiques, faites du ménage dans votre Cercle relationnel, centrez vous sur le Positif même minime, développez votre Gratitude, posez vos Limites… Plus vous vous sentez coincé et plus c’est un indice que vous devez faire un break et repenser globalement à vous. Ne pas le faire vous conduira à une aggravation du problème, alors n’hésitez pas ! Gagnez du temps en relâchant le pied tout de suite. Pour avoir traversé un burn out professionnel (qui m’a amené à une reconversion professionnelle complète ainsi qu’à l’ajout des Sapeur Pompiers dans ma vie) ainsi qu’un burn out parental (qui m’a amené à arrêter certaines activités un temps, pour me recentrer sur « l’Urgent et Important » ainsi que le « prendre soin de moi » avant de réintégrer petit à petit les autres activités), je pense pouvoir dire qu’agir dés que l’on ressent un problème est vraiment utile et qu’on ne gagne rien en fermant les yeux sur un souci récurent.
Ce qui m’aide, moi
Les quelques dernières lignes parlent de certaines parties de ma vie qui n’ont pas été les plus faciles. Elles m’ont pourtant tellement apporté, me forçant à grandir et me permettant d’en ressortir tellement plus heureuse ! J’ai cheminé (de gré ou de force parfois !) et nous sommes très, très nombreux à avoir traversé la même chose. Je n’ai donc pas de conseil à donner, par contre j’ai gardé quelques grandes leçons qui me guident désormais. Les miennes ne sont pas celles de tout le monde, là encore je pose un partage et non pas un exemple à suivre.
J’ai gardé tout ce que j’aimais dans ma vie, j’en ai même beaucoup ajouté, et tout cela m’oblige à réduire le temps consacré à chacun. Comme lors de l’arrivée d’un deuxième enfant, nous avons moins de temps pour le premier, mais nous l’aimons toujours autant ! Et nous nous mettons à aimer le deuxième alors qu’hier encore il n’existait pas. Mon cœur grossit de toutes les nouvelles choses que j’aime, mon temps n’est pas extensible par contre mais j’arbitre avec l’idée que j’aime chacune de mes activités et que j’en cesse une pour aller à la suivante avec joie. Je me sens souvent tiraillée, pas assez investie ici et pas assez présente là… mais comme j’aime tout ce que je fais, je ne suis pas prête à renoncer à aucun sujet. Certaines personnes ont besoin de se consacrer à fond sur un sujet quelques années, puis de passer au suivant : je tire au contraire de la richesse à tous les mener de front. J’ai du coup renoncé à être une spécialiste dans chaque domaine, cela serait trop chronophage. J’accepte de ne me perfectionner qu’avec le temps, et mon équilibre se construit donc dans la durée.
Je suis aussi très à cheval sur l’équilibre… entre mon mari et moi. Nous sommes tous les deux très impliqués dans la vie de famille et dans la gestion du quotidien. Ce n’est pas le cas partout, cela nous guide tous les deux, et cela aussi nous est très personnel. Bien sûr nous aimerions tous les deux faire plus, mais nous respectons autant que possible les envies et objectifs de l’autre et là aussi nous partons du principe que nous consacrerons le temps que nous souhaitons à chacun des Grands ensembles de nos vie sur une décennie plutôt que sur un an. La patience, le tri « urgent et important » sont de grands moteurs dans nos vies.
J’ai appris aussi que le volet Santé et Moi-même peuvent poser de gros problème (surtout le sommeil !) si on ne s’occupe pas assez d’eux, alors qu’ils apportent beaucoup de s’ils sont nourris un peu chaque jour ou chaque semaine. Certes, remplir en priorité ce qui fait avancer la machine est moins passionnant que de se concentrer sur les loisirs, une carrière époustouflante et un super cercle relationnel. Mais c’est ce qui me permet d’avancer, un peu tous les jours, et dans la durée.
Un autre proverbe m’aide au quotidien : « les plus lents à promettre sont les plus prompts à tenir ». Dans les 7 piliers de vie, « Poser mes limites » a été un gros sujet d’apprentissage. Aujourd’hui, je fais beaucoup de choses et je suis très investie… là où je l’ai décidé. Par contre là où j’ai décidé de ne pas aller, je ne vais pas, sans négociation. Dire oui pour faire plaisir et me retrouver coincée, me plier en 4, puis en 8, puis en 26 (après tout, hein…) a été un de mes grands défauts. Désormais, pour avancer loin, je suis très claire sur ce que je promets de faire et quand, et sur ce que je promets de ne pas faire. Je me tiens aux deux promesses : ainsi mes proches, mes collègues et mes camarades de réseau ont appris qu’ils pouvaient s’appuyer sur mes dires et ne sont pas déçus. Si je me rends compte que je ne pourrai pas tenir ma promesse (ou que je pourrai en tenir une que je n’avais pas faite), je préviens aussi vite que possible : Moins de surprise, moins d’exceptionnel, mais plus de fiabilité.
Et enfin, pour combiner tous les agendas qui font partie de ma vie, j’ai appris à anticiper autant que possible. J’y perds un peu en spontanéité, c’est vrai… mais par contre je remplis chaque coin de l’agenda avec une autre facette de ma vie. Et cela m’a appris à me réjouir des « lapins ». Le confrère de réseau qui décommande à la dernière minute créé certes une frustration, mais cela créé aussi un temps de respiration toujours bienvenu !
Nous ne sommes pas seuls !
Mes solutions ne sont pas les votre, et vice-versa. Par contre nos problèmes sont ceux de beaucoup de gens de notre siècle ! Certains iront se persuader du contraire sur LinkedIn ou Facebook à coup de post galvanisants ou de photos paradisiaques, pourtant nous sommes nombreux à nous poser ou nous être posés des questions sur l’arbitrage entre toutes les facettes de nos vies. Coup de chance : cet arbitrage doit être rediscuté presque chaque jour, alors nous pouvons tous les jours tenter un carton plein dans toutes les facettes. Car après tout, le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore, il ne reste qu’aujourd’hui qui est un vrai cadeau : c’est pour cela qu’on l’appelle « Le Présent ».